L’entraînement vers l’excellence, voilà ce qu’attendait son père. En tant que fille, Yzeure devait en faire dix fois plus qu’un homme pour prouver sa valeur. On appelait les nobles et les chevaliers les Barbus. Elle n’aurait jamais cette facilité pilaire et si elle voulait rentrer dans la cavalerie Taldorienne, il fallait qu’elle soit tout simplement exceptionnelle. L’histoire faisait mention d’une femme au grand prestige qui fut aussi l’une des meilleure commandant que le corps d’élite de la cavalerie du Taldor ait jamais possédé. Elle avait mené une campagne contre les monstres et les hordes de bandits nomades qui avaient infesté les Plaines Sifflantes à l’Est des Montagnes du Bout du Monde afin de permettre au Grand Prince Stavian II de gagner la Forteresse de Stavian qui fut jadis la résidence d’été de l’empereur. Se servant du Fort comme pilier de pont pour lancer ses raids, elle dirigea un groupe d’élite appelés les Lions du Taldor et devint commandant de la forteresse. Mais c’était une femme et elle occupait un poste de noble et de chevalier. Elle dut porter une barbe postiche jusqu’à sa mort afin d’avoir le droit d’exercer ses fonctions.
Yzeure se voyait mal porter une barbe postiche, mais elle voulait prouver sa bravoure au moins à son père et montrer qu’elle était digne d’entrer parmi les chevaliers du Taldor. Ce n’était donc pas dans un Taldor enclavé dans un système bureaucratique complexe ou chaque passage de pont, de route ou de canal nécessitait une taxe ou encore parmi les petites guerres intestines entres seigneurs qui rendaient leurs terres exsangues à force de guerroyer contre son voisin, épuisant leurs ressources et leur population dans une lutte sans fin à laquelle l’empereur ne prenait même pas part pour y mettre un terme. Selon le souverain suprême, ces petites guerres étaient sans intérêt et elles allaient s’arrêter d’elle-même tout simplement par épuisement ou lassitude. Selon les bureaucrates, toute demande d’arbitrage par un haut magistrat, un sénateur, un gouverneur de province ou même l’empereur lui-même, nécessitait une demande en de nombreux exemplaires qui prenait énormément de temps et épuisait le mandant à force de procédures administratives lourdes et coûteuses. Bien-sûr Yzeure aurait pu s’enorgueillir de quelques hauts faits auprès de ces petits nobliaux va-t-en guerre pour un lopin de terre, mais aucun d’entre eux ne prévoyait un avenir glorieux dans une vaste conquête pour redonner au Taldor son prestige d’antan.
C’était donc du côté des voisins qu’elle pouvait peut-être se rendre à la fois utile et gagner du prestige. Elle pouvait combattre au nom du Taldor dans ce qui fut autrefois les provinces de l’Empire et ainsi montrer que l’ancien suzerain pouvait être encore aujourd’hui un allié de poids. Celui qui faisait la fierté de la Mer Intérieure était sans conteste l’Andoran. L’une des toutes premières nations à revendiquer son indépendance et devenir libre, tout en pouvant défendre sa position. Maintes fois la jeune femme avait entendu parler des guerriers andorans, des combattants très réputés qui étaient très recherchés par les compagnies de mercenaires et les marchands en quête d’une protection efficace. Mais surtout ce dont elle avait entendu parler, c’était ceux qui étaient devenus les héros de la révolution, les champions du peuple de la nation qui était devenue le berceau de la liberté : les Chevaliers de l’Aigle. Connus au Taldor pour être les gardiens de la liberté et de l’indépendance de l’Andoran, les vertus, l’égalité, la liberté, l’indépendance et la responsabilité faisaient partis de leur quotidien. Reconnaissables par leur tabar bleu et blanc avec une épée d’argent brillante, ils sont le symbole de l’espoir et de la lumière même pour les nations voisines. Le Cheliax les voit d’un mauvais œil car leur prestige tend à repousser les ténèbres de cette nation despotique vouée au Mal absolu et aux ténèbres. Alors trouver ces chevaliers était la première motivation d’Yzeure, la seconde serait pourquoi pas de servir cet ordre. La renommée d’un chevalier de l’aigle était indiscutable, même au Taldor.
Après de longues recherches, Yzeure finit par apprendre que l’ordre des chevaliers de l’aigle possédait une forteresse dans un coin assez reculé de l’Andoran. C’était là-bas que les jeunes recrues s’entraînaient et seul les meilleurs rentraient dans l’ordre de Chevalerie, les autres grossiraient l’armée andorane. Ce camp d’entraînement se trouvait à Oldfen… Ni une ni deux, Yzeure trouve un bateau pour Augustana, le port militaire et de commerce de L’andoran et la voilà partie afin de poursuivre ses rêves. Débarquée à l’instant même sur les quais, sac sur l’épaule, cheval à la traine, la voilà qui s’avance vers les soldats chargés de contrôler les embarquements et débarquements. Une foule incroyable vaquait sur les quais entre les marchands qui débarquaient, les ouvriers portuaires qui acheminaient les marchandises, les voyageurs et visiteurs, très vite une queue s’était formée devant les deux représentants de l’ordre et il fallut presque deux heures à la jeune femme pour que ce soit son tour ; A chaque fois les mêmes questions étaient posées. Les gardes arrêtait la personne d’un geste de la main puis l’un d’eux posait les questions d’usage pendant qu’un scribe aux petites lunettes rondes la plume à la main qui se tenait derrière un pupitre en bois sur lequel trônait un grand livre, inscrivait les réponses. Puis si celles-ci convenaient aux gardes, ils laissaient passer ou alors intervenaient pour une fouille ou un interrogatoire plus poussé ou encore une arrestation à renfort d’autres gardes si besoin qui n’étaient jamais loin. D’une vois un peu lasse, le garde demanda à Yzeure :
Nom, raison et durée de votre séjour à Augustana ?